Histoire Littéraire
L’hémisphère Nord occidental est hâtivement et péjorativement qualifié d’« hyper-individualiste ». Or, l’individualisme ne représente-t-il pas un aspect culturel majeur de nos sociétés, sans cesse réaffirmé par les littératures européennes depuis la Renaissance ? Dante Alighieri semble prendre pour la première fois le contre-pied du postulat holiste d’Aristote, selon lequel « le Tout est nécessairement antérieur à la Partie » : la figure de Béatrice, qui consacre l’idéal féminin en Italie à la fin du XIIIèmesiècle, permet en effet de constituer une individualité comme conscience indivisible et irréductible à tout autre être humain. Étrangement, c’est donc bien l’auteur de La Divine Comédie qui, dans la littérature […]
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Jules Maigret est impardonnable. A cause de lui, l’opinion lettrée est persuadée que Georges Simenon est un auteur de romans policiers – qu’il n’est que cela (excusez du peu et, en passant, quel mépris pour un genre qui a ses lettres de noblesse depuis longtemps). Ou même qu’il n’est rien d’autre. Et ce ne sont pas les fiestas du 90ème anniversaire de sa naissance (qui coïncideront cette année avec le 30èmeanniversaire de la mort de l’écrivain, le créateur et sa créature se retrouvant ainsi bras dessus bras dessous dans les célébrations), avec un Tout Maigret en dix volumes (Omnibus) préfacés par des […]
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Nous aura-t-il fait rêver, justement, ce passage de Shakespeare… (Hamlet, III, 1). Il y a plusieurs années, Katharina Hagena en avait fait le fil rouge d’un beau roman L’Envol du héron ((Vom Schlafen und Verschwinden, traduit de l’allemand par Corinna Gepner, Editions Anne Carrière). Etait-ce le roman de la disparition ou celui du sommeil ? A moins que ce ne fut l’un dans l’autre, ce qui disparaît de nous lorsque nous nous abandonnons. L’un de ses trois personnages principaux était une somnologue, qui allait d’un congrès l’autre. Entre collègues, ils s’y projetaient des films de patients, généralement des maires ou des pasteurs, espionnés dans […]
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Les lecteurs de la Comédie humaine, des Rougon-Macquart, des Hommes de bonne volonté ou de la Recherche du temps perdu ont toujours su qu’en en lisant séparément l’un des volumes, il s’agissait de la partie d’un tout, laquelle en principe pouvait se comprendre et s’apprécier sans connaître l’ensemble. Mais combien de lecteurs d’Albert Cohen (1895-1981) se sont-ils jamais doutés que c’était également le cas ? Enfin, ils peuvent vraiment lire son œuvre. Ceux qui connaissent plusieurs de ses livres diront que c’est déjà fait de longue date – à l’exception des allergiques, des indifférents à son verbe étincelant, Alain Finkielkraut par exemple ne cache […]
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Tout chercheur en a rêvé, l’IMec l’a fait ! On pourrait le dire ainsi. Qu’il soit professionnel ou dilettante, que sa curiosité le pousse vers l’histoire littéraire, l’archéologie des idées, l’aventure intellectuelle ou le passé des maisons d’édition, le dit chercheur disposait jusqu’à présent du riche fonds et des collections de l’IMec (Institut Mémoires de l’édition contemporaine) sis à l’abbaye d’Ardenne (Calvados), une sorte de Thélème en pleins champs près de Caen ; mais ces archives et collections (plus de 700 entrées) n’étaient présentées que dans un environnement d’interrogation unique. Si important que soit un centre de cette nature, il ne […]
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A la mort de Bernard de Fallois (1926-2018), on a si bien rendu hommage à juste titre au grand éditeur qu’il fut et au flair qui marqua l’ultime époque de sa carrière tout en étant aux antipodes de son univers littéraire (la révélation internationale du jeune romancier Joël Dicker) que cela a éclipsé son travail de pionnier au service de deux écrivains qu’il admirait : Georges Simenon, dont il fut l’éditeur et l’ami, et à qui il consacra en 1961 l’une des toutes premières monographies parues sur son œuvre, (Simenon, « La Bibliothèque idéale », Gallimard) ; et Marcel Proust. Non pas sa biographie, […]
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Pas courant d’avoir son nom en haut et en bas de la couverture d’un livre. Un si rare honneur se mérite. Maurice Nadeau ne pouvait y échapper avec Soixante ans de journalisme littéraire (1480 pages, 39 euros, Editions Maurice Nadeau). Notez bien le choix du titre : « journalisme » et « non « critique » ; il est vrai que de temps en temps, à ses débuts, il se détendait à faire le reporter notamment lors des remises de prix, au chahut lettriste d’une lecture de Tzara au Vieux-Colombier, à l’occasion d’une interview de la nouvelle lauréate du Nobel Gabriela Mistral retour de Suède, de la réception […]
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Contre Céline tout est désormais permis. Dans un fort volume d’un millier de pages (Céline, la race, le Juif, de Pierre-André Taguieff et Annick Duraffour, n.d.l.r.), on peut, sans susciter guère de contestations, le faire passer pour un vil délateur et un actif agent de l’Allemagne alors même qu’on n’apporte aucune preuve tangible. Tout ou presque n’y est que suppositions gratuites, insinuations malveillantes, déductions fallacieuses et hypothèses bancales. Le piège est redoutable car réfuter ces calomnies vous fait ipso facto passer pour un personnage suspect. Céline, il est vrai, n’est pas un écrivain facile à défendre tant il s’est mis lui-même […]
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Qu’on l’appelle « nouvelle traduction », expression privilégiée par les éditeurs pour son évident impact commercial, ou « retraduction », qui présente le défaut de trop entrer en résonance avec la répétition, le ressassement, la rectification, tous en conviennent : il faut régulièrement traduire « à nouveaux frais » (c’est vraiment le cas de le dire) les classiques, y compris les classiques modernes, car souvent les traductions vieillissent et reflètent l’esprit et la langue de leur époque. Régulièrement, cela signifie pour nombre de traducteurs : à chaque génération. Manifestement, beaucoup d’éditeurs ont une conception élastique de la notion. Cette année seulement, Gallimard a publié une nouvelle traduction […]
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Que faire de Curzio Malaparte ((1898-1957) passé l’état de sidération dans lequel laisse la lecture de ses chefs d’œuvre Kaputt (1944) et La Peau (1949) ? Ces deux romans ont été durablement porté aux nues mais étrangement, cela n’a pas suscité une curiosité pour leur auteur. On les dirait sans écho ni descendance. A l’occasion du 120èmeanniversaire de sa naissance, une soirée lui est consacrée le13 septembre à 19h, à l’Institut culturel italien à Paris, avec débat et projection de son unique film Le Christ interdit (1951)) ; parallèlement, Maria Pia de Paulis, maîtresse d’œuvre d’un Cahier de l’Herne « Malaparte » (365 pages, 33 euros) […]
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