Littérature étrangères

On pourrait s’étonner du titre donné par Virginia Woolf à son roman Vers le phare (To the Lighthouse)[1], un phare dont pourtant elle a dit (lettre à Roger Fry du 17 mai 1927) qu’il n’était le symbole de Rien. Cependant le phare occupe bien dans le roman une place centrale. On se souvient que le livre se compose de trois parties (La fenêtre, Le temps passe, Le phare) : la première partie, la plus longue, présente les personnages dans la maison d’été des Ramsay, et pose la question de savoir si, oui ou non, une excursion au phare sera le lendemain […]
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Après plusieurs approches, pénétrantes mais fragmentaires, des poètes francophones (ou mieux : francographes) d’Amérique latine, le remarquable travail de synthèse publié par Émilien Sermier, de l’Université de Lausanne, sous un titre à la fois judicieux et intrigant – Diamétralement modernes (311 pages, 26€, Les Impressions nouvelles) et le sous-titrePoètes francophones d’Amérique latine – s’inscrit dans une perspective très nouvelle, loin de notre vision habituelle centrée sur les poètes d’expression française des Caraïbes. Depuis les rives européennes, nombre d’écrivains ont été attirés par l’Amérique latine dans la première moitié du XXe siècle : Cendrars, Michaux, Drieu la Rochelle, Caillois, Bernanos et Zweig sans oublier […]
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Federico Fellini s’est attaqué en 1968 au Satyricon, ce roman « picaresque » attribué à un certain Pétrone dont l’identité véritable n’est pas assurée et qui n’est pas datable avec certitude (1er ou 2ème siècle après J.-C.)[1]. Pourquoi s’y est-il intéressé (outre son goût pour l’Antiquité classique[2], partagé par beaucoup dans sa génération) ? Fellini a dit qu’il avait été fasciné par la nature lacunaire du roman de Pétrone : celui-ci ne nous est plus connu en effet qu’à l’état de fragments (des livres XIV à XVI surtout, alors qu’il a pu en comporter 24, comme l’Iliade et l’Odyssée). Il a pu ainsi laisser libre […]
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La Maison Pouchkine à Pétersbourg, qui est bien davantage qu’un musée à sa gloire, a été inaugurée en 1905. On y trouve ses manuscrits, sa bibliothèque, ses objets, des gravures et tableaux et de quoi organiser des rencontres culturelles et des colloques qui dépasse sa seule personne car Pouchkine, c’est la Russie, ou du moins la littérature russe, tout simplement. Son œuvre recèle des expressions ou des morceaux de phrases qui sont devenus des mots de passe entre les Russes. Ainsi « la nuit du 3 » (Eugène Onéguine) est-elle un schibboleth, un signe d’appartenance ou de reconnaissance, il n’y a pas […]
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Faisant ses adieux dans le cercle lumineux du projecteur, l’artiste plaque un ultime accord avant de saluer l’assistance sur ces mots : « Je vous dédie mon silence » ! Et le public est sonné. Quoi, le tour de piste serait bel et bien fini ? Pareil talent remisé au vestiaire ? Ce démiurge a-t-il vraiment dit là son dernier mot ? Tel est le thème du dernier roman de Mario Vargas Llosa, pierre blanche (ou noire ?) qui marque, selon l’aveu même du romancier, la fin de son ouvrage Je vous dédie mon silence (Gallimard, 2025)… et la fin […]
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Tout écrivain ayant été ou étant resté un grand lecteur, rien de plus naturel que de retrouver dans les siens le reflet tangible, l’écho assourdi, l’ombre atténuée des livres des autres. Cela n’en fait pas des textes cultivés et l’on chercherait en vain la moindre cuistrerie dans la volonté de l’auteur. Juste un hommage subliminal. Un récit et deux romans qui viennent de paraitre l’illustrent avec éclat. On s’y attend sous la plume d’un écrivain comme Jean-Paul Kauffmann mais pas nécessairement dans un livre qui s’annonce au départ comme une enquête sur l’accident de la route qui précipita dans la […]
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Qui n’a encore jamais lu Virginia Woolf est impardonnable. Sa réputation de cérébrale, et la complexité de ses situations, voire l’hermétisme prêté à ses personnages, ont longtemps rebuté certain public. A tort. Les sortilèges et envoûtements provoqués par le livre-culte Mrs Dalloway, en témoignent. Alors avant d’y plonger, oubliez l’abstraction dont son univers est entaché ainsi que la tristesse censée s’en dégager. Bien qu’il soit en partie fondée, ce faux-semblant repose aussi sur l’effet rétroactif de sa propre fin, sa mort volontaire à l’issue de crises de mélancolie récurrentes, Virginia pénétrant lentement dans l’eau de la rivière en contrebas de […]
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Le 3 septembre 1830, Alexandre Pouchkine arrive à Boldino, village que son père lui a légué (avec ses deux cents « âmes ») en vue de son mariage qui aura lieu quelques mois plus tard, en 1831. Il pensait ne faire qu’y passer, mais une épidémie de choléra dans la région l’y retiendra jusqu’en décembre. Cette période de sa vie, connue sous l’appellation d’« automne de Boldino », s’avère extrêmement féconde. Il écrit le 9 décembre, quatre jours après être rentré à Moscou, à son ami Piotr Pletniov : « Je te dirai (ça doit rester entre nous) que j’ai écrit à Boldino comme je ne l’avais […]
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Martín Caparrós Rosenberg est loin d’être un inconnu en France ; écrivain venu d’Argentine à l’œuvre déjà considérable – couronnée notamment par le prix Roger Caillois 2023 –, il est l’auteur de cinq ouvrages publiés en français, des romans tels que Valfierno (Fayard, 2008), et, chez Buchet-Chastel, Living (2014), À qui de droit (2017), Tout pour la Patrie (2020), ainsi que cet essai bouleversant, La Faim (2015), où il établit une cartographie des affamés à travers le monde (Inde, Bangladesh, Soudan, Madagascar…, mais aussi États-Unis et Amérique latine) avec cette terrible constatation initiale : « Toutes les quatre secondes une personne meurt […]
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Il n’y pas que Godot qui se fasse attendre. Lorsque l’être aimé se fait attendre, on s’en remet plus naturellement aux Fragments d’un discours amoureux : solennité du moment, perte du sens des proportions, mise en place d’une scénographie, angoisse d’attente, reproches virant à la colère, hantise de la sonnerie du téléphone, assignation à l’immobilité dans un lieu, crainte du malentendu, sentiment d’irréalité… On retrouve un peu du Roland Barthes des Fragments d’un discours amoureux, du moins dans ce que ses observations ont d’universel et d’intemporel, dans Tes pas dans l’escalier (Tus pasos en la escalera, traduit de l’espagnol par Isabelle […]
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