de Pierre Assouline

en savoir plus

La République des livres

Littérature étrangères

Le « Je » sans pareil de Joan Didion

5

commentaires

On a tellement identifié le « nouveau journalisme » des années 60 à ses plus bruyants représentants, Tom Wolfe et Hunter S. Thomson, qu’on en a oublié quelques autres sur le bas-côté de la route traversant la scène américaine, dans les colonnes ou en dehors du magazine Rolling Stone. Il a donc fallu que Grasset publie son puissant récit L’Année de la pensée magique et qu’il soit couronné du prix Médicis de l’essai, pour que les Français s’avisent que Joan Didion (1934-2021) avait une voix singulière. Ses Notes à John (traduit de l’anglais par Josée Kamoun, 304 pages, 23 euros, Grasset) qui […]

lire la suite .../ ...
Bricoler Faulkner

Bricoler Faulkner

Charles Recoursé

2

commentaires

Lire Le bruit et la fureur, de William Faulkner, c’est avancer dans un brouillard qui se dissipe un peu avec chaque narrateur ; c’est progresser dans un chahut, un brouhaha qui s’éclaire progressivement. La première partie, racontée par le prisme faussement objectif de Ben, l’« idiot » de la famille Compson, nous confronte à un déluge de voix qui nous ballottent d’un temps et d’un événement à l’autre (le présent dans lequel il fête son trente-troisième anniversaire, l’enterrement de la grand-mère quand il était enfant, et le mariage de sa sœur Caddy, en avril 1910), au gré des associations libres qui s’opèrent dans […]

lire la suite .../ ...
L’Amérique de Philip Roth n’existe plus

991

commentaires

Si l’on osait, on relirait les livres de Philip Roth à l’égal de romans historiques. Déjà ? Déjà. Pourtant les derniers sont parus au début des années 2000. Tel est le sentiment effaré, incrédule, attristé que l’on retire de la lecture du puissant essai de Marc Weitzmann La part sauvage (374 pages, 24 euros, Grasset). Autant un livre sur son ami Philip Roth que sur leur Amérique à eux bien qu’une génération les sépare. Rien du rêve américain, tout d’une Amérique rêvée, idéalisée., newyorkisée. En ce sens, la publication simultanée du Tome 3 de son œuvre sous le titre Romans dans […]

lire la suite .../ ...
Le traducteur amoureux d’un roman d’amour

2

commentaires

  (Le grand traducteur et germaniste Bernard Lortholary vient de nous quitter à 89 ans. En hommage à sa personne et à son oeuvre, nous publions à nouveau sa contribution à la République des livres parue en 2013) Faut-il aimer un livre pour bien le traduire ? J’ai plus d’une fois pensé que non. Qu’un peu de distance rendait plus lucide, plus exact, plus précis. Qu’à trop s’identifier l’on risquait au contraire de s’aveugler, de s’emballer en suivant la pente, et de finir par trébucher. I would prefer not to. Plutôt être un traducteur brechtien, distancié, qui joue le rôle […]

lire la suite .../ ...
Refaire « La promenade au phare » avec Virginia Woolf ?

1

commentaire

On pourrait s’étonner du titre donné par Virginia Woolf à son roman Vers le phare (To the Lighthouse)[1], un phare dont pourtant elle a dit (lettre à Roger Fry du 17 mai 1927) qu’il n’était le symbole de Rien. Cependant le phare occupe bien dans le roman une place centrale. On se souvient que le livre se compose de trois parties (La fenêtre, Le temps passe, Le phare) : la première partie, la plus longue, présente les personnages dans la maison d’été des Ramsay, et pose la question de savoir si, oui ou non, une excursion au phare sera le lendemain […]

lire la suite .../ ...
Voix poétiques et transatlantiques d’Amérique latine

1

commentaire

Après plusieurs approches, pénétrantes mais fragmentaires, des poètes francophones (ou mieux : francographes) d’Amérique latine, le remarquable travail de synthèse publié par Émilien Sermier, de l’Université de Lausanne, sous un titre à la fois judicieux et intrigant – Diamétralement modernes (311 pages, 26€, Les Impressions nouvelles) et le sous-titrePoètes francophones d’Amérique latine – s’inscrit dans une perspective très nouvelle, loin de notre vision habituelle centrée sur les poètes d’expression française des Caraïbes. Depuis les rives européennes, nombre d’écrivains ont été attirés par l’Amérique latine dans la première moitié du XXe siècle : Cendrars, Michaux, Drieu la Rochelle, Caillois, Bernanos et Zweig sans oublier […]

lire la suite .../ ...
Un éloge du fragment : le Fellini-Satyricon

Un éloge du fragment : le Fellini-Satyricon

Jean-Michel Ropars

1

commentaire

Federico Fellini s’est attaqué en 1968 au Satyricon, ce roman « picaresque » attribué à un certain Pétrone dont l’identité véritable n’est pas assurée et qui n’est pas datable avec certitude (1er ou 2ème siècle après J.-C.)[1]. Pourquoi s’y est-il intéressé (outre son goût pour l’Antiquité classique[2], partagé par beaucoup dans sa génération) ? Fellini a dit qu’il avait été fasciné par la nature lacunaire du roman de Pétrone : celui-ci ne nous est plus connu en effet qu’à l’état de fragments (des livres XIV à XVI surtout, alors qu’il a pu en comporter 24, comme l’Iliade et l’Odyssée). Il a pu ainsi laisser libre […]

lire la suite .../ ...
Pouchkine, c’est la Russie

1372

commentaires

La Maison Pouchkine à Pétersbourg, qui est bien davantage qu’un musée à sa gloire, a été inaugurée en 1905. On y trouve ses manuscrits, sa bibliothèque, ses objets, des gravures et tableaux et de quoi organiser des rencontres culturelles et des colloques qui dépasse sa seule personne car Pouchkine, c’est la Russie, ou du moins la littérature russe, tout simplement. Son œuvre recèle des expressions ou des morceaux de phrases qui sont devenus des mots de passe entre les Russes. Ainsi « la nuit du 3 » (Eugène Onéguine) est-elle un schibboleth, un signe d’appartenance ou de reconnaissance, il n’y a pas […]

lire la suite .../ ...
Vargas Llosa et son traducteur, unis dans le silence

Vargas Llosa et son traducteur, unis dans le silence

Albert Bensoussan

6

commentaires

Faisant ses adieux dans le cercle lumineux du projecteur, l’artiste plaque un ultime accord avant de saluer l’assistance sur ces mots : « Je vous dédie mon silence » ! Et le public est sonné. Quoi, le tour de piste serait bel et bien fini ? Pareil talent remisé au vestiaire ? Ce démiurge a-t-il vraiment dit là son dernier mot ? Tel est le thème du dernier roman de Mario Vargas Llosa, pierre blanche (ou noire ?) qui marque, selon l’aveu même du romancier, la fin de son ouvrage Je vous dédie mon silence (Gallimard, 2025)… et la fin […]

lire la suite .../ ...
Trois livres pleins d’autres livres

1922

commentaires

Tout écrivain ayant été ou étant resté un grand lecteur, rien de plus naturel que de retrouver dans les siens le reflet tangible, l’écho assourdi, l’ombre atténuée des livres des autres. Cela n’en fait pas des textes cultivés et l’on chercherait en vain la moindre cuistrerie dans la volonté de l’auteur. Juste un hommage subliminal. Un récit et deux romans qui viennent de paraitre l’illustrent avec éclat. On s’y attend sous la plume d’un écrivain comme Jean-Paul Kauffmann mais pas nécessairement dans un livre qui s’annonce au départ comme une enquête sur l’accident de la route qui précipita dans la […]

lire la suite .../ ...