Littérature étrangères

Faisant ses adieux dans le cercle lumineux du projecteur, l’artiste plaque un ultime accord avant de saluer l’assistance sur ces mots : « Je vous dédie mon silence » ! Et le public est sonné. Quoi, le tour de piste serait bel et bien fini ? Pareil talent remisé au vestiaire ? Ce démiurge a-t-il vraiment dit là son dernier mot ? Tel est le thème du dernier roman de Mario Vargas Llosa, pierre blanche (ou noire ?) qui marque, selon l’aveu même du romancier, la fin de son ouvrage Je vous dédie mon silence (Gallimard, 2025)… et la fin […]
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Tout écrivain ayant été ou étant resté un grand lecteur, rien de plus naturel que de retrouver dans les siens le reflet tangible, l’écho assourdi, l’ombre atténuée des livres des autres. Cela n’en fait pas des textes cultivés et l’on chercherait en vain la moindre cuistrerie dans la volonté de l’auteur. Juste un hommage subliminal. Un récit et deux romans qui viennent de paraitre l’illustrent avec éclat. On s’y attend sous la plume d’un écrivain comme Jean-Paul Kauffmann mais pas nécessairement dans un livre qui s’annonce au départ comme une enquête sur l’accident de la route qui précipita dans la […]
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Qui n’a encore jamais lu Virginia Woolf est impardonnable. Sa réputation de cérébrale, et la complexité de ses situations, voire l’hermétisme prêté à ses personnages, ont longtemps rebuté certain public. A tort. Les sortilèges et envoûtements provoqués par le livre-culte Mrs Dalloway, en témoignent. Alors avant d’y plonger, oubliez l’abstraction dont son univers est entaché ainsi que la tristesse censée s’en dégager. Bien qu’il soit en partie fondée, ce faux-semblant repose aussi sur l’effet rétroactif de sa propre fin, sa mort volontaire à l’issue de crises de mélancolie récurrentes, Virginia pénétrant lentement dans l’eau de la rivière en contrebas de […]
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Le 3 septembre 1830, Alexandre Pouchkine arrive à Boldino, village que son père lui a légué (avec ses deux cents « âmes ») en vue de son mariage qui aura lieu quelques mois plus tard, en 1831. Il pensait ne faire qu’y passer, mais une épidémie de choléra dans la région l’y retiendra jusqu’en décembre. Cette période de sa vie, connue sous l’appellation d’« automne de Boldino », s’avère extrêmement féconde. Il écrit le 9 décembre, quatre jours après être rentré à Moscou, à son ami Piotr Pletniov : « Je te dirai (ça doit rester entre nous) que j’ai écrit à Boldino comme je ne l’avais […]
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Martín Caparrós Rosenberg est loin d’être un inconnu en France ; écrivain venu d’Argentine à l’œuvre déjà considérable – couronnée notamment par le prix Roger Caillois 2023 –, il est l’auteur de cinq ouvrages publiés en français, des romans tels que Valfierno (Fayard, 2008), et, chez Buchet-Chastel, Living (2014), À qui de droit (2017), Tout pour la Patrie (2020), ainsi que cet essai bouleversant, La Faim (2015), où il établit une cartographie des affamés à travers le monde (Inde, Bangladesh, Soudan, Madagascar…, mais aussi États-Unis et Amérique latine) avec cette terrible constatation initiale : « Toutes les quatre secondes une personne meurt […]
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Il n’y pas que Godot qui se fasse attendre. Lorsque l’être aimé se fait attendre, on s’en remet plus naturellement aux Fragments d’un discours amoureux : solennité du moment, perte du sens des proportions, mise en place d’une scénographie, angoisse d’attente, reproches virant à la colère, hantise de la sonnerie du téléphone, assignation à l’immobilité dans un lieu, crainte du malentendu, sentiment d’irréalité… On retrouve un peu du Roland Barthes des Fragments d’un discours amoureux, du moins dans ce que ses observations ont d’universel et d’intemporel, dans Tes pas dans l’escalier (Tus pasos en la escalera, traduit de l’espagnol par Isabelle […]
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Nul doute qu’avec l’acquisition des droits cinématographiques de Voyage au bout de la nuit par Joann Sfar, on va encore reparler des mauvaises manières que le cinéma fait à la littérature et du caractère intouchable des héros de roman qui campent dans notre imaginaire. Bas les pattes devant Bardamu ? On en reparlera. En attendant, on peut déjà parler d’un autre chef d’œuvre, ce qu’on appelle un classique moderne : Ulysses de James Joyce, le plus grand poète de l’anglosaxonnie. Est-il normal, admissible, décent, ce que vous voulez, de démembrer ce qui a été conçu comme un tout ? Passe encore qu’un manuel […]
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S’il est vrai qu’une phrase lue dans un livre suffit à engager une vie, on en connait qui passent leur vie à creuser une phrase. Ils confesseront volontiers que toute leur vie n’aura pas suffi à en épuiser le sens. Encore ne s’agit-il pas là de traducteurs du Bartleby le scribe qui s’affrontent depuis 1853, pour savoir si « I would prefer not to », la formule-clé de l’anti-héros d’Herman Melville, doit se traduire par « Je préfèrerais ne pas », « je ne préfèrerais pas », « Je préfèrerais pas » ou « j’aimerais mieux pas ». Personnellement je me garderais bien de ne trancher pas la querelle. De […]
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Charles Olson (1910-1970) a dix-neuf ans quand ses parents lui offrent un exemplaire de Moby Dick, dans l’édition de 1926 de la Modern Library, avec une introduction de Raymond M. Weaver, qui fut l’un des véritables pionniers et artisans de la redécouverte de Herman Melville. Tombé dans l’oubli le plus complet à sa mort, en 1891, l’auteur de Bartleby connut un regain d’intérêt auprès de la génération désenchantée de l’après-guerre, qui s’était reconnue dans le sentiment de déréliction qui habite son œuvre et ses personnages les plus emblématiques, en particulier depuis que Weaver, professeur de Columbia University, avait publié en 1924 […]
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Si l’on veut juger le degré d’intégration d’un britannique d’origine indienne à la société anglaise, il n’est pas de meilleur baromètre que le sens de l’humour. La chose est un cocktail improbable, immatériel et immarcescible de différents éléments de natures diverses qui se manifeste in fine par l’understatement, figure de rhétorique connue en français sous le nom de litote, d’euphémisme. Autrement dit, la faculté d’exprimer en dessous de la vérité. Pas de meilleur exemple que Salman Rushdie, écrivain de langue anglaise, natif de Bombay en 1947, de langue maternelle ourdou, élevé dès l’âge de 13 ans à la Rugby School […]
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