de Pierre Assouline

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La République des livres

Littérature étrangères

Du sexe de Moby Dick

Du sexe de Moby Dick

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Et puisque dans le commentarium tout le monde s’en mêle, raison de plus pour y mettre mon grain de sel… Imagine-t-on le désarroi d’un grand lecteur de Cervantès à qui l’on révélerait que Don Quichotte, chevalier à la triste figure, était en réalité une sorte de chevalier d’Eon ? Ou celui d’un fou de Don Juan apprenant qu’il s’agissait en vérité d’un castrat ? Celui encore d’un hugolâtre convaincu sur le tard que Jean Valjean n’était qu’un travelo brésilien ? Et celui d’un proustien compulsif à l’instant de découvrir qu’Albertine disparue n’était autre qu’Albert, le chauffeur de l’écrivain ? (ce […]

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Al Dante !

Al Dante !

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Qu’une langue puisse faire l’objet d’une exposition temporaire dans un musée, cela se conçoit ; mais qu’il y soit exclusivement dédié en permanence, cela fait rêver. Par réflexe, on cherche des précédents, dans l’esprit du Musée de la langue portugaise à Sao Paulo ; en vain, y compris dans la riche histoire mondiale des musées (Gallimard, 2020) de Krzysztof Pomian mais il est vrai qu’il ne s’agit que du premier de trois tomes, s’interrompant en 1789, alors sait-on jamais. Le projet ne sort pourtant pas de l’imagination d’un artiste conceptuel mais bien d’une volonté politique : celles, conjuguées, du maire de Florence […]

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La merveilleuse démesure d’Alejo Carpentier

La merveilleuse démesure d’Alejo Carpentier

Albert Bensoussan

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Lorsqu’on parle de la littérature latino-américaine, et de ce que l‘on a appelé le « boom », une seule expression suffit à la définir : le réalisme magique. Appliquée de préférence à l’emblématique Cent ans de solitude, de Gabriel García Márquez, cette étiquette procède de l’inventeur d’un style romanesque, Alejo Carpentier (1904-1980) qui, dépassant l’indigénisme fondateur de Miguel Ángel Asturias et de Rómulo Gallegos, découvre, en parcourant l’Orénoque et en pénétrant la jungle amazonienne, ce qu’il qualifie, lui, le tout premier, de « réel merveilleux ». Mais chez celui qui prétendait avoir « besoin de démesure pour écrire », était-ce la réalité ou un rêve ? L’écrivain Jean-Louis […]

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Pour saluer John le Carré

Pour saluer John le Carré

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D’abord rendre hommage au maitre. Non du roman d’espionnage mais du roman. David Cornwell alias John Le Carré, qui vient de mourir à 89 ans d’une pneumonie, dans les Cornouailles où il vivait une grande partie de l’année, en était un depuis la parution de L’Espion qui venait du froid (1963). En un peu plus d’un demi-siècle, il a construit un monde, un univers, une œuvre qui prolongent ceux de ses propres maitres Joseph Conrad et Graham Greene, et dans un genre différent Dickens et Balzac. A deux reprises ses lecteurs ont pu craindre qu’il ne rangeât définitivement sa machine à […]

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Discours du Nobel

Discours du Nobel

LOUISE GLÜCK

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Quand j’étais une enfant de cinq ou six ans, je crois, j’ai organisé une compétition dans ma tête, un concours pour décider quel était le plus grand poème au monde. Il y avait deux finalistes : “Le Petit Garçon Noir” de Blake et “Swanee River” de Stephen Foster. J’ai fait les cent pas dans la chambre d’ami, dans la maison de ma grand-mère, à Cedarhurst, un village sur la rive sud de Long Island, en récitant dans ma tête, car c’est ce que je préférais, plutôt qu’avec la bouche, le poème inoubliable de Blake, puis en fredonnant, toujours dans ma tête, […]

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On n’a pas lu le même livre

On n’a pas lu le même livre

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Qui a bien pu inventer cette formule désolée à la lecture d’un article, ou après avoir lu ici même ou entendu au « Masque et la plume », un commentaire portant au nues, criant au prodige ou rivalisant d’érudition pour arrimer aux œuvres les plus prestigieuses un roman qui nous est tombé des yeux avant de nous tomber des mains ? Alors, oui, accablé, consterné, résigné, on rend les armes à bout d’arguments : « Manifestement, on n’a pas lu le même livre… ». Façon de parler, bien sûr : le livre est bien le même mais pas le regard. Le plus souvent le fossé parait impossible à combler […]

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J’ai toujours voulu traduire « Le Maître et Marguerite »

Grâce à la traduction pionnière de Claude Ligny, Le Maître et Marguerite a été connu, et reconnu, dès 1968 en France. Son texte, partant d’une édition fautive, a par la suite été complété et amendé par Marianne Gourg, qui a conservé la belle introduction de Sergueï Ermolenski, l’un des amis les plus fidèles de Boulgakov (lire ici l’analyse de Georges Nivat).  J’ai toujours voulu le traduire. C’est un texte qui est entré dans ma vie très tôt. Ma mère a fait partie de ces lecteurs passionnés qui, ayant réussi à se procurer un exemplaire de cette fameuse première édition, n’a eu de […]

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0euvre et vies de Milan Kundera

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On croirait un cas d’école pour atelier d’écriture créative : comment écrire la biographie d’un grand écrivain vivant lorsque ledit écrivain est de longue date un homme qui se tait obstinément ? Milan Kundera (Brno, 1929) est si discret, si ennemi de tout épanchement médiatique et de toute confession aux exégètes, qu’il réussit à vivre en homme invisible alors qu’il habite en plein Paris à deux pas du « Récamier », l’un des restaurants qui compte le plus d’éditeurs et de critiques littéraires au mètre carré. On se doute qu’il a fait sienne la forte pensée de Cioran selon laquelle la perspective d’avoir un […]

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Pour Hélène Châtelain

Pour Hélène Châtelain

Catherine Perrel

(…) Nous nous sommes rencontrées alors qu’elle fondait la collection Slovo, à la demande de Gérard Bobillier. Amitié immédiate, indéfectible. J’étais une toute jeune traductrice décidée à vouer sa vie à la littérature, voguant entre Union soviétique et France, elle, Hélène Châtelain, était déjà rompue à la guérilla des mots et prête à accorder l’asile aux grands textes. La perestroïka avait commencé, avec ses espoirs, ses illusions, un formidable appel d’air dans les capitales russes : ouverture de certaines archives, auteurs et textes redécouverts et enfin publiés, traduction de littérature étrangère, ébullition au théâtre, au cinéma, sur la scène musicale, artistique, […]

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Le néoparler d’Orwell

Le néoparler d’Orwell

Josée Kamoun

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La traduction de 1984 a près de soixante-dix ans, et aucune autre ne lui avait succédé à ce jour. À la première version toute notre gratitude est due car c’est bien elle  qui a « passé » le texte sur notre rive linguistique. Pour des raisons inconnues, son auteure avait choisi de laisser en anglais le nom de « Big Brother » à l’exclusion de tous les autres ; à la même époque, toutes les traductions européennes ont nommé le personnage « Grand Frère », allusion plus que transparente à l’aîné soviétique tenant sous sa botte fraternelle les pays voisins, ses cadets. […]

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