de Pierre Assouline

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La République des livres

Littérature étrangères

Javier Cercas aux prises avec la bonté à coups de fusil

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Inutile de le chercher le nom de Javier Cercas dans le si précieux, si informé, si riche Dictionnaire amoureux du polar (804 pages, 27 euros, Plon) de Pierre Lemaitre pourtant si ouvert aux auteurs étrangers et malgré l’allusion à la novela negra espagnole dès l’incipit : c’est là qu’on a le plus de chance de le trouver absent. Et pour cause ! L’un des plus grands écrivains espagnols s’est fait connaitre et plébisciter, tant par la critique que par le public, pour ses novelas sin ficción, des « romans sans fiction » ainsi qu’il nomme ce genre hybride qui entremêle l’histoire, la littérature, le […]

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Spadolini ou l’amitié

Spadolini ou l’amitié

Jacques-Émile Miriel

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Extinction, sous-titré « Un effondrement », est le dernier roman de Thomas Bernhard, disparu soudainement en 1989. C’est une œuvre imposante, d’une richesse extrême, un monologue en deux longs paragraphes, « Le télégramme » et « Le testament », qui s’étendent, dans la traduction française, sur plus de 400 pages écrites serrées. Le tout forme une sorte de bloc compact, dans lequel on a peine à reprendre son souffle, tant la prose tournoyante et obsessionnelle de Bernhard nous entraîne, sur un rythme vif et envoûtant. Pour décrypter ce labyrinthe romanesque étonnant, je m’arrêterai plus précisément sur l’un des personnages les plus importants de cette Extinction (Auslöschung, […]

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Philip Roth ou la terrible ambiguïté du « je »

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Les réseaux sociaux vont-ils instrumentaliser sa biographie pour faire de Philip Roth (1933-2018) le Harvey Weinstein des Lettres américaines ? C’est à craindre et ce serait la pire des méprises. Cela abîmerait inutilement et abusivement le livre de Blake Bailey et son héros. Encore que le pire n’est jamais sûr. Ainsi vient-on d’apprendre que ce livre tant attendu par les lecteurs de Roth vient de voir sa commercialisation « suspendue«  par son éditeur même, WW Norton. Pourquoi, grands dieux, alors qu’il vient à peine de paraitre, qu’il connait un succès public et critique mérité (ici et là) ? Parce que près d’un quart […]

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De quoi en faire une maladie

De quoi en faire une maladie

Jean-Pierre Pisetta

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S’il y a des fléaux qui inspirent, le Covid est bien de ceux-là. J’ai pris l’habitude, depuis un certain temps déjà, de chercher chaque année une nouvelle italienne inédite que je traduis avec ma classe de traduction littéraire de l’Université libre de Bruxelles. Dans le but de la publier, signée par les étudiants, bien sûr. Jusqu’à présent, tous les textes que nous avons tirés de l’oubli ont connu ce sort heureux, grâce aux revues qui les ont acceptés. Il y a environ un an et demi, je découvre, dans un vieux recueil de nouvelles italiennes, le texte d’un auteur dont je […]

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Du sexe de Moby Dick

Du sexe de Moby Dick

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Et puisque dans le commentarium tout le monde s’en mêle, raison de plus pour y mettre mon grain de sel… Imagine-t-on le désarroi d’un grand lecteur de Cervantès à qui l’on révélerait que Don Quichotte, chevalier à la triste figure, était en réalité une sorte de chevalier d’Eon ? Ou celui d’un fou de Don Juan apprenant qu’il s’agissait en vérité d’un castrat ? Celui encore d’un hugolâtre convaincu sur le tard que Jean Valjean n’était qu’un travelo brésilien ? Et celui d’un proustien compulsif à l’instant de découvrir qu’Albertine disparue n’était autre qu’Albert, le chauffeur de l’écrivain ? (ce […]

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Al Dante !

Al Dante !

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Qu’une langue puisse faire l’objet d’une exposition temporaire dans un musée, cela se conçoit ; mais qu’il y soit exclusivement dédié en permanence, cela fait rêver. Par réflexe, on cherche des précédents, dans l’esprit du Musée de la langue portugaise à Sao Paulo ; en vain, y compris dans la riche histoire mondiale des musées (Gallimard, 2020) de Krzysztof Pomian mais il est vrai qu’il ne s’agit que du premier de trois tomes, s’interrompant en 1789, alors sait-on jamais. Le projet ne sort pourtant pas de l’imagination d’un artiste conceptuel mais bien d’une volonté politique : celles, conjuguées, du maire de Florence […]

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La merveilleuse démesure d’Alejo Carpentier

La merveilleuse démesure d’Alejo Carpentier

Albert Bensoussan

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Lorsqu’on parle de la littérature latino-américaine, et de ce que l‘on a appelé le « boom », une seule expression suffit à la définir : le réalisme magique. Appliquée de préférence à l’emblématique Cent ans de solitude, de Gabriel García Márquez, cette étiquette procède de l’inventeur d’un style romanesque, Alejo Carpentier (1904-1980) qui, dépassant l’indigénisme fondateur de Miguel Ángel Asturias et de Rómulo Gallegos, découvre, en parcourant l’Orénoque et en pénétrant la jungle amazonienne, ce qu’il qualifie, lui, le tout premier, de « réel merveilleux ». Mais chez celui qui prétendait avoir « besoin de démesure pour écrire », était-ce la réalité ou un rêve ? L’écrivain Jean-Louis […]

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Pour saluer John le Carré

Pour saluer John le Carré

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D’abord rendre hommage au maitre. Non du roman d’espionnage mais du roman. David Cornwell alias John Le Carré, qui vient de mourir à 89 ans d’une pneumonie, dans les Cornouailles où il vivait une grande partie de l’année, en était un depuis la parution de L’Espion qui venait du froid (1963). En un peu plus d’un demi-siècle, il a construit un monde, un univers, une œuvre qui prolongent ceux de ses propres maitres Joseph Conrad et Graham Greene, et dans un genre différent Dickens et Balzac. A deux reprises ses lecteurs ont pu craindre qu’il ne rangeât définitivement sa machine à […]

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Discours du Nobel

Discours du Nobel

LOUISE GLÜCK

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Quand j’étais une enfant de cinq ou six ans, je crois, j’ai organisé une compétition dans ma tête, un concours pour décider quel était le plus grand poème au monde. Il y avait deux finalistes : “Le Petit Garçon Noir” de Blake et “Swanee River” de Stephen Foster. J’ai fait les cent pas dans la chambre d’ami, dans la maison de ma grand-mère, à Cedarhurst, un village sur la rive sud de Long Island, en récitant dans ma tête, car c’est ce que je préférais, plutôt qu’avec la bouche, le poème inoubliable de Blake, puis en fredonnant, toujours dans ma tête, […]

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On n’a pas lu le même livre

On n’a pas lu le même livre

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Qui a bien pu inventer cette formule désolée à la lecture d’un article, ou après avoir lu ici même ou entendu au « Masque et la plume », un commentaire portant au nues, criant au prodige ou rivalisant d’érudition pour arrimer aux œuvres les plus prestigieuses un roman qui nous est tombé des yeux avant de nous tomber des mains ? Alors, oui, accablé, consterné, résigné, on rend les armes à bout d’arguments : « Manifestement, on n’a pas lu le même livre… ». Façon de parler, bien sûr : le livre est bien le même mais pas le regard. Le plus souvent le fossé parait impossible à combler […]

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