LE COIN DU CRITIQUE SDF
Un des clichés les plus courants dans les rubriques littéraires des journaux, de même que chez ceux qui s’intéressent à la littérature, consiste à considérer Georges Simenon comme le Balzac du XXe siècle. Un tout récent dossier sur Simenon, réalisé par la Revue des deux mondes, quoiqu’excellent, faisait état, de nombreuses fois, de cette rengaine : « Simenon, le Balzac du XXe siècle ». De fait, les clichés ont souvent la vie dure, d’autant plus qu’une fois assénés comme une évidence, on ne prend pas vraiment la peine de se demander s’ils sont fondés. Or, une analyse un peu plus précise des œuvres des […]
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Qu’est-ce qui a poussé Stefan Zweig à s’intéresser à un navigateur portugais du XVIe siècle ? L’homme des grandes biographies — de Montaigne à Romain Rolland, de Verhaeren à Verlaine, de Marie-Antoinette à Marie Stuart —, dans sa fuite de Juif proscrit face à la montée de l’hitlérisme, découvre le Brésil qui fait bel accueil à l’immense romancier autrichien — de La confusion des sentiments au Joueur d’échecs. L’homme des froidures viennoises, subjugué par la majestueuse baie de Rio de Janeiro et séduit par la langue portugaise, se penche sur le navigateur qui, dans son périple, fit longue escale au havre […]
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Albert Camus, un poète épris de lyrisme ? Rien ne semble moins sûr à la lecture de ce passage tiré d’une lettre adressée à Francis Ponge, le 27 janvier 1943 : (…) les romantiques ne me persuadent pas – et surtout ils ne m’émeuvent pas – lorsqu’ils me parlent de sentiments ou de situations ineffables, indicibles, infinis. Ces préfixes privatifs sont seulement les signes de leur pauvreté personnelle. Ils m’affirment que tel sentiment est indicible, ils ne me le font pas sentir. Nourri d’auteurs classiques, Camus a toujours cultivé une brièveté et une retenue apparemment peu en accord avec les épanchements du […]
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Gilles Rozier n’est pas seulement l’un de nos grands traducteurs du yiddish — cette langue de la Mitteleuropa juive qu’on croyait partie en fumée —, avec sur sa table de travail Esther Kreitman (Blitz et autres histoires), Chil Rajchman (Je suis le dernier Juif : Treblinka) ou Avrom Sutzkever (Le ghetto de Wilno), où chaque oeuvre fait renaître ce monde du shtetl et des ghettos d’Europe centrale qui fut celui de ses grands-parents polonais. C’est aussi un poète et le romancier reconnu d’Un amour sans résistance ou D’un pays sans amour. Il publie aujourd’hui le Mikado d’enfance (l’Antilope, 2019, 192 […]
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J’ai souvent pensé qu’il devrait exister une association de lecteurs anonymes comme il en existe pour toutes sortes d’addictions. Mais à l’inverse des réunions où se retrouvent et se racontent alcooliques ou drogués, les soirées des lecteurs anonymes ne célèbreraient pas les jours d’abstinence mais ceux où un livre, puis un autre, et un autre encore sont entrés dans leurs vies. Ceux où les mots ont éloigné la tristesse, où les histoires ont conjuré la solitude, où la découverte du plaisir de lire fut comme une nouvelle naissance, où les barrières du réel, du quotidien, de la banalité des jours sont tombées sous le choc de l’émotion. Je lis […]
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Les publications répétées d’une très jeune poète, Béatrice Douvre (1967-1994), obligent à poser une fois encore la difficile question du rapport entre la biographie et une lecture sans a priori de l’œuvre ; à supposer que celle-ci soit possible. Sont sortis posthumes, après divers ensembles poétiques : son Journal de Belfort, les Derniers poèmes, et, entre les deux, des « Poèmes en prose » et un bouleversant « Journal d’une anorexique » intitulé Passante du péril (Paris, la Coopérative, 2019, 187 p.). Internet précise que, née le 22 avril 1967, Béatrice Douvre est « décédée d’épuisement » le 19 juillet 1994. Dans la nuit du 8 au […]
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Dans une chronique, Umberto Eco évoque avec ironie et justesse deux modes de lecture qui permettent au professionnel averti ou à l’amateur informé de décider si un livre vaut la peine d’être lu ou d’en parler sans l’avoir lu. Le premier se contente de jeter un coup d’œil sur la bibliographie, le sommaire et deux pages ouvertes au hasard ; le second réduit le livre à ce que l’on sait à priori sur le sujet ou à la sphère d’idées à laquelle il appartient. A mon avis, on peut parier sans risque sur le livre de Jean-Marie Brohm Anthropologie du chien. L’homme […]
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Santiago H. Amigorena est le petit-fils de Vicente Rosenberg, un juif polonais qui a fui l’Europe malade de peste brune pour trouver refuge à Buenos Aires et fonder un foyer avec Rosita Szapire, la fille d’un autre exilé du shtetl. Nous sommes dans ce milieu des Rusos comme on appelle en Argentine la populeuse immigration juive venue du Mitteleuropa — face aux Levantins qu’on appelle lesTurcos issus de l’empire ottoman dont beaucoup sont également juifs. Mais qu’est-ce qu’un juif ? Françoise Truffaut, qui avait quelque raison de se poser la question, la met dans la bouche du seul personnage juif de ses films, le metteur […]
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Les clair-obscur cosmiques sont très tôt présents dans les paysages léopardiens. Citons ce constat relevé par le critique Carlo Ferrucci : « Dans cinq poèmes de Leopardi il est question du soleil et celui-ci est souvent sur le point de surgir ou de chuter, dans un poème ou deux seulement le soleil est au zénith, onze fois l’heure est nocturne avec ou sans étoiles. »[1] Pourquoi privilégier une lumière faible et incertaine, cernée d’ombres ? Qu’a-t-elle à nous dire ? Chez Giacomo Leopardi, le soleil couchant, qui amène la nuit, pose tout d’abord la question du rapport humain au temps. Le poème intitulé « Le samedi […]
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Reflet d’une société diminuée par la disparition des valeurs communautaires, remplacées par les échanges économiques, la primauté des besoins et de la consommation, l’environnement urbain tel que Jean-Jacques Rousseau le conçoit n’en est pas moins, paradoxalement, le révélateur de la fête publique. Arrêtons-nous quelques instants sur cette évocation du peuple genevois à la fin de la Lettre à d’Alembert sur les spectacles : « Il est vif, gai, caressant ; son cœur est alors dans ses yeux, comme il est toujours sur ses lèvres ; il cherche à communiquer sa joie et ses plaisirs ; (…) Toutes les sociétés n’en font qu’une, tout devient commun […]
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