de Pierre Assouline

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La République des livres

Littérature de langue française

Quand « l’autre » est un pervers narcissique

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Il y a comme cela des fictions qui, aussitôt refermées, l’air de rien, modifient non seulement le regard que l’on porte sur les gens, mais celui que l’on porte sur soi. On se demande : en sont-ils ? et qui me dit que je n’en suis pas moi-même ? Effet garanti même si cela ne dure pas. Demeure un trouble inquiétant. Ainsi de L’Autre (199 pages, 16 euros, Seuil), premier roman de Sylvie Le Bihan. Du vécu à coup sûr, mais sans que les relents autobiographiques aient la vanité des romans à clés. C’est d’une psychopathologie qu’il s’agit : celle du pervers narcissique. Non […]

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Kerangal, Amalric et la note juste

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En toute création artistique, la réussite tient aussi à la note juste. La trouver et la tenir. Rares sont ceux qui y parviennent, discrets sont-ils le plus souvent. La preuve par deux : un livre et un film. Après l’immense succès de Réparer les vivants, Maylis de Kerangal ne pouvait se manifester que par un petit signe. Ainsi publie-t-on sans paraître. Un livret plutôt qu’un livre avant de se lancer à nouveau dans une entreprise romanesque aussi ambitieuse et puissante. La collection « Paysages écrits » lui en a donné l’occasion. Editée par Guérin à l’initiative de la Fondation Facim, elle propose à […]

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Pour saluer Jean-Claude Pirotte

Pour saluer Jean-Claude Pirotte

PIERRE MAURY

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 Bien sûr, je savais qu’il n’allait pas bien. Même ses livres, en particulier le dernier, Brouillard (Le Cherche-midi, 2013), le laissaient entendre. Mais je fréquentais son oeuvre depuis si longtemps que je m’attendais à recevoir encore pendant des années une de ces enveloppes contenant un autre ouvrage de Jean-Claude Pirotte et portant sa signature : une aquarelle, qui permettait de savoir, avant même d’ouvrir, de qui venait l’envoi. Donc, voilà, dans le combat entre le cancer et Jean-Claude Pirotte, qui était né en 1939, c’est le cancer qui a gagné. Salaud de cancer.  Poète migrateur plutôt que voyageur, Jean-Claude Pirotte se pose là […]

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Pierre Michon, écrivain de l’ouïe

Pierre Michon, écrivain de l’ouïe

JILL A. McCOY

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De but en blanc, tentons cette proposition : Pierre Michon est un écrivain de l’ouïe. Un écrivain de l’ouïe serait celui qui entend ou demande que les autres entendent, et dont l’écriture est inextricablement liée au son. La manière idéale de lire un tel écrivain est à voix haute, et lentement, pour que la force de ses mots frappe de plein fouet. Les poètes s’imposent bien sûr dans cette dimension sonore, obligeant leurs lecteurs à écouter leurs vers. Si Pierre Michon n’est pas  techniquement parlant un poète, il l’est spirituellement et artistiquement, auteur d’une prose si rythmique et musicale qu’on pourrait sans peine l’appeler […]

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Poétique de Céline, éthique de Kraus

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L’ego-histoire, c’est bien, surtout lorsque d’autres que des historiens s’en emparent aussi. Encore faut-il avoir envie de sacrifier au racontage de mézigue, expression qui n’est pas de Louis-Ferdinand Céline mais de Jacques Perret. Il est remarquable qu’un écrivain aussi tempétueux ait suscité un exégète aussi paisible qu’Henri Godard. Comment devient-on le spécialiste les plus respecté et le plus incontesté de l’œuvre d’un grand écrivain ? Richard Ellman avait autrefois répondu pour Joyce ; Jean-Yves Tadié pourrait répondre pour Proust, Pierre Citron pour Giono. Jacques Body pour Giraudoux, Henri Mitterand pour Zola… En attendant, Henri Godard le fait dans A travers Céline, la littérature […]

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De bons enfants, malgré tout

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Parfois, on se demande ce que serait la littérature sans les géniteurs de l’écrivain. Qu’il leur mette une claque ou qu’il les envahisse de leur tendresse, l’exercice a tout de la figure imposée. Comme un passage obligé pour mieux tourner la page, dût-elle peser des tonnes, avant d’entrer dans le vif du sujet. Encore que certains s’y résolvent à mi-chemin tel Albert Cohen avec Le Livre de ma mère (1954) ou Marcel Pagnol avec La gloire de mon père/ le château de ma mère (1957). On observera d’ailleurs que les parents sont plus rarement traités en couple. Soit l’un, soit […]

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Caprice d’Echenoz, insignifiance du Kundera

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Après la petite rentrée, comme on nomme désormais la rentrée de janvier, mars est le rendez-vous des poids lourds. Ils convient de les admirer. Ils ont la carte. Le club est sélect : Kundera, Modiano, Le Clézio y côtoient Carrère, Echenoz, Ernaux, Ndiaye, Toussaint…. Autant d’écrivains que l’on a aimés, et que l’on est tout prêt à aimer encore, mais sans complaisance ni indulgence coupables. Sur la durée, certains (Modiano) sont remarquablement constants dans la qualité ; d’autres, moins. Leurs nouveaux livres sont pourtant loués systématiquement par un effet d’emballement médiatique qui demeure l’un des plus étonnants mystères de la vie littéraire. […]

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Comment j’ai traduit « Albucius » de Pascal Quignard en japonais

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On me demande de temps en temps : « Comment avez-vous traduit ces livres quignardiens ? » Je sais très bien que c’est surtout de ma traduction d’Albucius, des Tablettes de buis d’Apronenia Avitia ou de La Raisonqu’on me parle. Je leur réponds les yeux baissés, gardant le sourire : « Ne me le demandez pas, je vous en prie. » Cela pour éviter toute excuse, mais intérieurement je me demande s’ils ont vraiment lu ces miraculeux romans à la fois romains et contemporains. On parle souvent de l’érudition ou de la pédanterie de Pascal Quignard. C’est vrai qu’il y a de nombreuses citations latines, grecques, ou d’autres langues anciennes partout dans ses ouvrages. […]

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Monsieur Girard n’est pas bégueule

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Mais que veut-il au juste, le phénomène de la rentrée ? Le beurre, l’argent du beurre et le cul du crémier ? J’ai déjà écrit dans ces colonnes (c’est ici pour les mal-voyants de la Toile) tout le bien que je pensais de Pour en finir avec Eddy Bellegueule, un vrai… coup de poing dans la gueule, ainsi que Cavanna définissait un bon dessin de presse. Inutile de revenir sur ses qualités littéraires, sa force, sa maîtrise. Le problème s’est désormais déplacé de la rubrique littéraire à celle des faits divers (rebaptisée « Société » en levant le petit doigt). Lorsqu’un écrivain subit un […]

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Lui, c’est lui et moi, c’est moi

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Ce doit être terrible de passer pour un clone littéraire. Pas un plagiaire, un imitateur ou quelque chose du genre. Ni le nouveau Faulkner ou le nouveau Joyce tels que des éditeurs paresseux l’annoncent fièrement en quatrième de couverture. Ni même un néo-Proust, comme nous l’assurent en chœur ces derniers temps des écrivains et des critiques anglais et américains à propos du norvégien Karl Ove Knausgaard au motif que son roman My struggle est long de 3600 pages réparties en six volumes sans que le récit soit tenu par une véritable intrigue, avec la description sur une centaine de pages […]

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