N° 79 Misandrie et discours amoureux
Les plantes grasses, qui aiment une chose par-dessus tout : qu’on les oublie.
*
Les cinémas dont les meilleures places, dans l’axe central de la salle, sont occupées par une allée.
*
(Suite)
Personne ne sait
Le nombre exact d’architectes qu’il faudrait mettre en prison ; ou plutôt le nombre exact d’architectes qu’on pourrait laisser en liberté.
*
Les obsolètes : les pèse-personnes, sur les quais de métro. Y en a-t-il encore dans les pharmacies ?
*
La haine des hommes, assez bien portée, revendicable et revendiquée. Ainsi, une femme peut dire haut et fort le dégoût que lui inspire un homme, surtout s’il est ventripotent – de toute façon un homme est toujours ventripotent ; elle peut l’écrire : nul ne lui en tient rigueur, et même elle s’attend à être admirée pour son joyeux franc-parler. Misogynie honteuse, misandrie glorieuse.
*
Pendant des siècles, pas trace d’humour dans la littérature non théâtrale.
*
Mademoiselle Julie, incapable de tuer personne, sinon elle-même.
*
Walt Disney et le Calvados. « Disney » est une déformation de « d’Isigny ». Son ancêtre, le comte d’Isigny, était un compagnon de Guillaume le Conquérant.
*
Le port du pantalon, interdit autrefois dans les lycées de filles. Aujourd’hui en passe d’être obligatoire.
*
Personne ne sait
Ce que signifie « discours amoureux », dans le titre de Barthes Fragments d’un discours amoureux. À quoi cela peut-il bien ressembler, un discours amoureux, même fragmenté ou fragmentaire ? Comment un discours peut-il être amoureux ? On se perd en conjectures.
*
Anne Fontaine, cinéaste qui joue du luth.
*
« Je me suis fait enculer devant un Vélasquez ; cela ne manquait pas d’allure. »
*
Les bonnes manières au petit déjeuner, par ordre croissant d’exigence :
– Le pot de confiture est apporté fermé sur la table. Le premier l’ouvre et chacun se débrouille ;
– Le pot de confiture est apporté ouvert sur la table. Chacun se débrouille ;
– Le pot de confiture est apporté ouvert, et chacun en prend un peu dans une assiette ;
– La confiture est apportée dans un confiturier où chacun se sert ;
– La confiture est apportée dans un confiturier, et chacun en prend un peu dans une assiette.
*
Les livres « pour la jeunesse » (Club des cinq, etc.) réécrits au présent, au lieu du passé simple. Ainsi s’élargira le fossé entre ceux qui comprennent le passé simple et ceux qui n’en ont jamais vu la couleur. Les premiers liront Balzac, les seconds devront se contenter de kiffer des mangas.
*
À la Alphonse Allais
Lorsque le fils prodigue revint à la maison, son père l’embrassa sur les deux joues ; il ordonna qu’on tuât le veau gras, et qu’on le mangeât sans laisser de gras sur le bord de l’assiette, sinon ce n’était pas la peine, et le veau maigre aurait bien suffi. Au milieu du festin se présenta un percepteur, qui dit au père :
– Ô père du fils prodigue, et désormais personnage immortel, par Bible interposée, ne crois pas que le retour de ton fils ne te coûtera qu’un veau gras de rien du tout !
– Comment, comment ? s’interrompit de mastiquer le vieillard, qui avait de la sauce qui lui coulait des deux coins de la bouche, appelés commissures.
– Je te le dis, ton fils est re-là.
– Re-là ? Qu’entends-tu par re-là, ô percepteur de mes deux ?
– C’est un terme fiscal. Quand un fils est re-là, on est plus riche, la chose est bien connue. Il travaille, ses muscles durcissent, et le blé s’amoncelle dans les greniers de son père, ô son père.
– Foutre, que dis-tu ? avala le vieux de travers sa bouchée de veau gras insuffisamment mastiquée.
– Il faut payer.
– Mon fils est re-là ?
– Il l’est, oui, en vérité, ricana le percepteur dans sa barbe, qu’il portait longue et pointue, comme tous les percepteurs. Il n’était plus là, il l’est de nouveau.
– Mais comment veux-tu qu’il en aille autrement ? Il entre dans la nature d’un fils prodigue d’être re-là, comme tu dis, ô percepteur abhorré ! Et mon fils est un fils prodigue !
– Je ne prétends pas qu’il pourrait en être autrement, pontifia le barbu pointu. Il ne fallait pas le laisser revenir, voilà. À présent, il te faut payer l’impôt sur le revenu.
*********
(Dernières nouvelles du covid)
Les petites sociétés de recherche biologique travaillant à la mise au point d’un vaccin contre le covid ne reçoivent pas un sou des centaines de millions de subventions allouées à cette recherche. On ne leur demande pas si elles ont des chances de fabriquer un vaccin efficace et sûr, mais si elles « sont capables de fournir 300 millions de doses en trois mois ». A quoi elles sont forcées de répondre non. Pendant ce temps, les grosses sociétés, largement subventionnées, testent des vaccins destinés à circuler dans le sang, alors qu’il faudrait les faire circuler dans les muqueuses des voies respiratoires supérieures – chose impossible chez l’homme à l’heure actuelle. Dans le sang, le vaccin divise le nombre de virus par 10, dans les muqueuses par 100.000 (« Libération » du 10 octobre).
*
Les épenthèses de Juliette Gréco. Parretout pour partout, dépelaise pour déplaise, autoure d’eux pour autour d’eux…
*
(Suite)
Juliette Gréco, la Mireille Mathieu des intellectuels de gauche.
j.drillon@orange.fr
(Tous les vendredis à 7h 30)
Si vous n’avez pas reçu le lien sur lequel cliquer pour accéder à ces Petits Papiers, c’est que vous n’êtes pas abonné. Vous pouvez le faire en écrivant à j.drillon@orange.fr, en mentionnant « m’abonner » dans le champ « sujet » ou « objet » du message.
Les deuxième et troisième séries (Papiers recollés, Papiers découpés) feront l’objet d’une publication en volume et ne sont plus en ligne. La première (Papiers décollés) a été publiée sous le titre Les fausses dents de Berlusconi (Grasset, 2014).
Comments are closed.