de Pierre Assouline

en savoir plus

La République des livres

Littérature de langue française

Celle qui est ce qu’on veut qu’elle soit

1177

commentaires

Soit Eve, une jeune femme dans le Paris d’aujourd’hui, que la perspective de la mort, envisagée avec mélancolie mais sans tristesse, rend de son propre aveu décalée, inactuelle. Plus elle ressent l’absence d’un père de toute façon incertain, et l’abandon d’une mère avant tout soucieuse de son bon plaisir, plus elle se réfugie dans la littérature. Non pour l’écrire mais pour la lire. Des livres jusqu’à plus soif et parfois des manuscrits. Le jour où elle entend sa mère confier à l’un de ses amants de passage qu’il serait temps de l’« initier », on se dit : air connu. Ce n’est pourtant […]

lire la suite .../ ...
Pascal Quignard dans la nuit de sa musique intérieure

972

commentaires

Peut-on dire d’un roman qu’il est splendide ? On peut, et pas seulement sur le plan le plus évident, esthétique ou artistique, d’autant que l’on a rarement l’occasion de le faire. Dès la première page de L’amour la mer (400 pages, 22 euros, Gallimard), le pacte de lecture engage à s’accorder au rythme propre à l’auteur, à la cadence intérieure de Pascal Quignard. Ou pas. Ceux qui l’aiment prendront ce train et ne le regretteront pas. Car tous les Quignard sont convoqués sous la signature de ce livre : le conteur, le musicien, le romancier, le poète, le fragmenteur, l’essayiste, le moraliste, tous […]

lire la suite .../ ...
Enfin, deux écrivains s’empoignent avec l’Indochine française !

1237

commentaires

On ne dira pas que la guerre d’Indochine (1946-1954) obsède nos contemporains. Elle est nulle part quand la guerre d’Algérie est partout. Aussi il est remarquable qu’elle ait inspiré à deux anciens lauréats du prix Goncourt la trame de leur nouveau livre. Moins le conflit lui-même que l’Indochine française. Une sortie honorable (199 pages, 18,50 euros, Actes sud), le récit d’Eric Vuillard (Lyon, 1968), s’ouvre sur une inspection du travail dans une plantation Michelin d’hévéas en proie à une « épidémie de suicides » en Indochine en 1950 au lendemain du massacre de deux colonnes de l’armée française dans la jungle de Cao […]

lire la suite .../ ...
Terrifiantes intuitions de Simenon

1150

commentaires

Depuis le temps que des romanciers racontent la fin du monde ou presque, elle finira bien par arriver. Ce jour-là, on dira que la science-fiction avait bien anticipé. En attendant, il n’est pas une catastrophe naturelle (incendies de forêts, tremblements de terre, fonte des glaciers etc) qui n’ait pas déjà été écrite et décrite dans sa forme la plus massive par un roman il y a des années. Sauf que certaines prémonitions sont plus troublantes que d’autres : lorsque l’écrivain est le seul à annoncer à l’avance ce qui a va se passer précisément en un lieu donné. Dans son premier […]

lire la suite .../ ...
La langue de Louis Guilloux

La langue de Louis Guilloux

Jean-Pierre Pisetta

11

commentaires

    Louis Guilloux. Ni d’Ève ni d’Adam. À part dans le nom d’une amie normande qui s’appelle Le Guilloux, jamais entendu ce nom-là. Et jamais su que cet homme-là était un grand écrivain. Breton. Briochin, comme on dit, c’est-à-dire originaire de Saint-Brieuc. Presque devant la station de métro la plus proche de chez moi trône, sur quatre échasses, une boîte à livres. J’y jette toujours un coup d’œil en passant, quand je n’y jette pas moi-même un ouvrage et, ce jour-là, j’y ai pris Le pain des rêves de cet auteur, de moi inconnu mais publié quand même par Gallimard […]

lire la suite .../ ...
Anéanti par le nouveau Houellebecq

1270

commentaires

S’il y a un livre qui doit être séparé du bruit qu’il fait si on veut le juger pour ce qu’il est, c’est bien tout nouveau roman de Michel Houellebecq quel qu’il soit. Evacuons donc le secret sur le contenu, l’embargo jusqu’au 30 décembre, les versions pirates numérisées, le buzz, le marketing, la rumeur, la consigne d’embargo  qui précèdent sa sortie (le 7 janvier en librairie) et oublions un instant la mise en scène du texte par l’auteur même, le seul à obtenir de son éditeur un emballage selon son goût avec reliure et couverture cartonnée (sur le modèle allemand, […]

lire la suite .../ ...
Pour saluer Jacques Drillon

Pour saluer Jacques Drillon

878

commentaires

Elégant jusqu’à bout, Jacques Drillon, qui vient de nous quitter à 67 ans la nuit de Noël. Jusqu’à la toute fin. Le 21 septembre dernier, avec quelques autres, je recevais de lui ce courriel: «Chers tous, Pardonnez ma brutalité : j’ai une sale tumeur au cerveau. Autant vous dire que mon avenir, même proche, n’est pas brillant. Nous allons essayer de ne pas le rendre trop lamentable. Plus grand chose ne marche, et tout va s’arrêter prochainement. La pensée d’abord, puis la vie. Prenez de mes nouvelles auprès de ma femme (mxxxx) Je vous embrasse, Jacques » Il fallait garder le secret par […]

lire la suite .../ ...
Dans le labyrinthe avec Mohamed Mbougar Sarr

1172

commentaires

« Je vais te donner un conseil : n’essaie jamais de dire de quoi parle un grand livre. Ou, si tu le fais, voici la seule réponse possible: rien. Un grand livre ne parle jamais que de rien, et pourtant, tout y est. Ne retombe plus jamais dans le piège de vouloir dire de quoi parle un livre dont tu sens qu’il est grand. Ce piège est celui que l’opinion te tend. Les gens veulent qu’un livre parle nécessairement de quelque chose. La vérité, Diégane, c’est que seul un livre médiocre ou mauvais ou banal parle de quelque chose. Un grand […]

lire la suite .../ ...
De quelques fantômes familiers

De quelques fantômes familiers

1070

commentaires

Qu’est-ce qui nous fait ouvrir un livre plutôt qu’un autre lorsqu’ils sont quelques centaines à se presser au portillon à la rentrée ? La couverture, le nom de l’auteur, le titre, le texte en quatrième de couverture, le résumé, l’absence de résumé qui laisse place à l’extrait, toutes choses qui se condensent en un mot : la curiosité. J’ai ouvert Si maintenant j’oublie mon île de Serge Airoldi (160 pages, 17 euros, L’Antilope) dans le souvenir que m’avait laissé l’auteur, journaliste daxois, ancien de Sud-Ouest, après la lecture il y a quelques années d’un récit exceptionnel intitulé Adour. Il figure parmi les […]

lire la suite .../ ...
Dans les zones grises de la rentrée littéraire

1262

commentaires

Et d’abord, afin de dissiper tout malentendu, ce que la zone grise n’est pas : synonyme de flou, confus, vague, insondable, passif… Gris, quoi. En se popularisant, l’expression s’est galvaudée puis dégradée en métaphore. A la lumière des récents débats sur l’inceste et le viol, elle est même instrumentalisée pour désigner l‘incertaine frontière entre la résignation et le consentement. Qu’est-elle alors ? Même si en l’espèce la recherche de paternité est périlleuse, Primo Levi semble bien être le premier à l’avoir utilisée dans Si c’est un homme (1947) puis à l’avoir conceptualisée dans un chapitre des Naufragés et les rescapés (1986) intitulé […]

lire la suite .../ ...