Littérature de langue française
Il faudrait être bouché à l’émeri, comme disait Anatole France, pour ne pas avoir entendu parler en bien de Cher connard (344 pages, 22 euros, Grasset). La chose fait un tabac en librairie, la plupart des médias l’ont chroniquée, la critique se pâme d’admiration (à de rares exceptions près, Eric Naulleau et Lucile Commeaux notamment). Alors, que se passe-t-il ? Même si Virginie Despentes (Nancy, 1969) a souvent connu l’ivresse des hauts tirages, cette fois il en va autrement. Son éditeur a eu la bonne idée de publier son livre le 17 août quand il n’y a personne ou presque en face, […]
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Ce qui frappe de prime abord dans Le Cœur ne cède pas (26 euros, Flammarion), c’est ce qu’il faudrait négliger, mettre à distance, oublier d’emblée. A savoir son énormité (908 pages grand format et 1,5 kgs au jugé), même si au lit, dans un fauteuil, dans le métro, celle-ci s’impose au lecteur désagréablement, la chose n’étant vraiment pas maniable. Las ! Une fois cet obstacle vaincu, Grégoire Bouillier nous entraine dans une incroyable expérience de lecture, une aventure littéraire qui tient en haleine pendant des jours et des nuits. Moins celle de son héroïne Marcelle Pichon que la sienne propre, leurs […]
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Pas un fond de tiroir ni un rogaton, Guerre (édition de Pascal Fouché, avant-propos de François Gibault, 182 pages, 19 euros, Gallimard) de Louis-Ferdinand Céline (1894-1961), premier de ses textes inédits exhumés l’an dernier, est incontestablement une pièce d’un des puzzles les plus fascinants de l’histoire littéraire du siècle passé. Un chainon manquant dans la geste autobiographique de l’écrivain. Ferdinand, seul rescapé d’une compagnie décimée par un obus allemand pendant la première guerre mondiale, rencontre dans son errance un soldat anglais avec lequel il se rend à Ypres avant d’être soigné. Même si cela commence sur la ligne de front, […]
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Notre pays a-t-il jamais fêté l’anniversaire d’un grand poème en langue française ? Moi non plus, je ne vois pas, aucune date qui s’impose à l’esprit. Oh certes, en fouillant dans les catalogues annuels des célébrations et commémorations nationales (avant qu’une stérile querelle sémantique ne les enterre), on y trouverait probablement un hommage de la nation à la Balade des pendus ou Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage ou L’Albatros ou encore au Bateau ivre. Mais un grand poème unanimement tenu pour un classique moderne et qui ait dominé le XXème siècle dont il est issu ? On a […]
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Soit Eve, une jeune femme dans le Paris d’aujourd’hui, que la perspective de la mort, envisagée avec mélancolie mais sans tristesse, rend de son propre aveu décalée, inactuelle. Plus elle ressent l’absence d’un père de toute façon incertain, et l’abandon d’une mère avant tout soucieuse de son bon plaisir, plus elle se réfugie dans la littérature. Non pour l’écrire mais pour la lire. Des livres jusqu’à plus soif et parfois des manuscrits. Le jour où elle entend sa mère confier à l’un de ses amants de passage qu’il serait temps de l’« initier », on se dit : air connu. Ce n’est pourtant […]
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Peut-on dire d’un roman qu’il est splendide ? On peut, et pas seulement sur le plan le plus évident, esthétique ou artistique, d’autant que l’on a rarement l’occasion de le faire. Dès la première page de L’amour la mer (400 pages, 22 euros, Gallimard), le pacte de lecture engage à s’accorder au rythme propre à l’auteur, à la cadence intérieure de Pascal Quignard. Ou pas. Ceux qui l’aiment prendront ce train et ne le regretteront pas. Car tous les Quignard sont convoqués sous la signature de ce livre : le conteur, le musicien, le romancier, le poète, le fragmenteur, l’essayiste, le moraliste, tous […]
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On ne dira pas que la guerre d’Indochine (1946-1954) obsède nos contemporains. Elle est nulle part quand la guerre d’Algérie est partout. Aussi il est remarquable qu’elle ait inspiré à deux anciens lauréats du prix Goncourt la trame de leur nouveau livre. Moins le conflit lui-même que l’Indochine française. Une sortie honorable (199 pages, 18,50 euros, Actes sud), le récit d’Eric Vuillard (Lyon, 1968), s’ouvre sur une inspection du travail dans une plantation Michelin d’hévéas en proie à une « épidémie de suicides » en Indochine en 1950 au lendemain du massacre de deux colonnes de l’armée française dans la jungle de Cao […]
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Depuis le temps que des romanciers racontent la fin du monde ou presque, elle finira bien par arriver. Ce jour-là, on dira que la science-fiction avait bien anticipé. En attendant, il n’est pas une catastrophe naturelle (incendies de forêts, tremblements de terre, fonte des glaciers etc) qui n’ait pas déjà été écrite et décrite dans sa forme la plus massive par un roman il y a des années. Sauf que certaines prémonitions sont plus troublantes que d’autres : lorsque l’écrivain est le seul à annoncer à l’avance ce qui a va se passer précisément en un lieu donné. Dans son premier […]
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Louis Guilloux. Ni d’Ève ni d’Adam. À part dans le nom d’une amie normande qui s’appelle Le Guilloux, jamais entendu ce nom-là. Et jamais su que cet homme-là était un grand écrivain. Breton. Briochin, comme on dit, c’est-à-dire originaire de Saint-Brieuc. Presque devant la station de métro la plus proche de chez moi trône, sur quatre échasses, une boîte à livres. J’y jette toujours un coup d’œil en passant, quand je n’y jette pas moi-même un ouvrage et, ce jour-là, j’y ai pris Le pain des rêves de cet auteur, de moi inconnu mais publié quand même par Gallimard […]
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S’il y a un livre qui doit être séparé du bruit qu’il fait si on veut le juger pour ce qu’il est, c’est bien tout nouveau roman de Michel Houellebecq quel qu’il soit. Evacuons donc le secret sur le contenu, l’embargo jusqu’au 30 décembre, les versions pirates numérisées, le buzz, le marketing, la rumeur, la consigne d’embargo qui précèdent sa sortie (le 7 janvier en librairie) et oublions un instant la mise en scène du texte par l’auteur même, le seul à obtenir de son éditeur un emballage selon son goût avec reliure et couverture cartonnée (sur le modèle allemand, […]
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