LE COIN DU CRITIQUE SDF
Si le comité Nobel de l’Académie suédoise, régulièrement sollicité en ce sens depuis des années, ne s’était décidé à laurer Philippe Jaccottet qui vient de nous quitter à 95 ans, nul doute que sa consécration en 2014 par la Pléiade sous la forme d’un volume d’Oeuvres (1728 pages, 59 euros) y serait pour beaucoup. Par « Œuvres », il faut entendre l’œuvre poétique. Encore faut-il s’accorder sur ce qui en relève. Il était le quinzième auteur à entrer de son vivant dans le temple, quatrième suisse à y être convié après Rousseau, Cendrars et Ramuz, mais-ceux-là à titre posthume ; encore est-il davantage fêté […]
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Lorsqu’on parle de la littérature latino-américaine, et de ce que l‘on a appelé le « boom », une seule expression suffit à la définir : le réalisme magique. Appliquée de préférence à l’emblématique Cent ans de solitude, de Gabriel García Márquez, cette étiquette procède de l’inventeur d’un style romanesque, Alejo Carpentier (1904-1980) qui, dépassant l’indigénisme fondateur de Miguel Ángel Asturias et de Rómulo Gallegos, découvre, en parcourant l’Orénoque et en pénétrant la jungle amazonienne, ce qu’il qualifie, lui, le tout premier, de « réel merveilleux ». Mais chez celui qui prétendait avoir « besoin de démesure pour écrire », était-ce la réalité ou un rêve ? L’écrivain Jean-Louis […]
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« Cartes postales : Représentation idéale des lieux destinée à impressionner le destinataire en faisant mentir l’expéditeur ». Ce propos de Pierre Daninos – écrivain et humoriste français – donne tout son sens au travail d’un autre Pierre, Mainguy, dont le roman intitulé Arles, féria tragique (18 euros, éditions Portaparole, en librairie le 19 janvier) – se présente comme une anti-carte postale de la Provence. Mais une anti-carte postale humaniste (lire ici un extrait). Loin des parfums de lavande, du chant des cigales et des transfigurations de Paul Cézanne, Arles, féria tragique est d’abord le récit d’une Provence hyperréaliste, hivernale et sombre. Pierre […]
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Le comptable d’Auschwitz s’en est bien sorti : sur une colonne il n’alignait que les chiffres des cadavres que les autres entassaient devant les chambres à gaz, et sur l’autre la cause fictionnelle de la mort : pneumonie, typhus, crise cardiaque, rien que de très naturel… Nous sommes à Auschwitz, côté jardin où tout est tellement normal, monstrueusement normal. Tel est le parti pris d’Anton Stoltz dans son récit concentrationnaire Le jardin du Lagerkommandant (192 pages, 19 euros, éditions Maurice Nadeau). Hannah Arendt, rendant compte du procès d’Eichmann à Jérusalem, parlait de « la banalité du mal ». Stoltz, pour sa part, et dans […]
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« Longtemps j’ai cru que je m’appelais Blondin, mon nom véritable est Jadis ». Ainsi débute le cinquième et ultime roman d’Antoine Blondin (1922-1991) publié en 1970 aux Éditions de La Table Ronde. À l’époque, on ne parlait pas d’autofiction, genre aussi ancien que la littérature et dont Monsieur Jadis ou l’École du soir offre l’une des plus belles illustrations. «Ma vie est un roman», annonce l’un des exergues – attribué à «Tout-Un-Chacun» – de Monsieur Jadis, et la vie de ce dernier ressemble à ce que l’on sait de celle de l’auteur de L’Europe buissonnière. Voici donc le roman […]
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À l’heure où la dissolution des frontières entre les genres littéraires semble atteindre un point de non-retour, celle qui résistait le plus – entre l’histoire et la fiction – fait l’objet d’un débat abondant qui n’aboutit qu’à rendre instable le statut de la vérité. L’historien cherche à la saisir depuis le point de vue de l’objectivité scientifique alors que le poète ou le romancier veut y parvenir par le pouvoir de l’imagination appuyée sur des faits. Cette opposition paraît d’autant plus vaine que les faits se prêtent à interprétation par l’un et par l’autre et que, si le romancier en […]
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Je fais confiance à l’homme que je trouve dans vos poèmes (1) « Survivant, j’apporte ici le témoignage de notre jeunesse brisée ; rescapé, je dis le destin d’une génération vouée tout entière au désastre » « Comme c’est étrange : les morts de l’ancienne saison oublient donc de rentrer ont-ils perdu l’adresse ? différé le retour ? Seraient-ils donc distraits, au point de ne plus vivre ? » Claude Vigée « Je savais qu’un jour il partirait pour la nuit Toute vie finit dans la nuit est le titre du livre que nous avons écrit ensemble je savais qu’un jour il en serait fini […]
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Comme les Romains voulaient du pain et des jeux, nos sociétés modernes veulent des sujets médiatiques. Verlaine et Rimbaud au Panthéon en est un. Les chaînes de télévision et les réseaux sociaux se l’arrachent. Et les positions se radicalisent. L’accusation d’homophobie est lancée à tort et à travers, accablant ceux qui trouvent cette idée de panthéonisation saugrenue. Et parmi les réfractaires à cette idée, il s’en trouve qui en profitent pour mettre au rancart l’inspiration homosexuelle, sensible pourtant chez ces deux grands poètes. Sensible, sans être ce que certains voudraient qu’elle soit : une clef, un passe-partout, qui ouvre toutes les […]
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« Un Français doit vivre pour elle / Pour elle un Français doit mourir. » Elle ? La belle Otéro ? déjà, ça demanderait réflexion, mais non, elle, la Nation, cette conception révolutionnaire d’une enclosure des esprits. Être d’une région, d’une commune, s’affichant comme un déni à l’universalité des Lumières, on inventa de coller sur le dos des habitants devenus entretemps des citoyens lambda une généalogie fantasmatique dont le lignage relève de la parthénogénèse : tous descendants de la mère-patrie, (un concept transgenre). Un acte de naissance liant le citoyen enrôlé sous la bannière de la Nation à un territoire aux frontières flottantes et aux […]
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L’acteur et comédien Michael Lonsdale , qui vient de disparaitre à l’âge de 89 ans, ne figure pas seulement au générique d’un nombre considérable de films, téléfilms et pièces de théâtre : celui qui a incarné dans Des hommes et des dieux frère Luc, moine assassiné à Thibirine, est également un grand lecteur, à voix basse comme à voix haute, et l’auteur de plusieurs livres, tous tournés vers la foi. Le dernier en date est un hommage à l’œuvre de Charles Péguy Entre ciel et terre (212 pages, Cerf). Je l’avais donc rencontré il y a quelques années chez lui à Paris […]
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