Histoire Littéraire

Il y a, dans l’éthique des traducteurs, un précepte que l’homme de la rue trouvera sans doute excessif : ne jamais traduire à partir d’une traduction. Aujourd’hui, il est rare que l’on traduise, par exemple, un roman islandais à partir de sa traduction anglaise. Disons que ce genre de pratique, courante autrefois, a presque entièrement disparu. Mais combien de traducteurs, lorsqu’ils rencontrent, toujours par exemple, la traduction d’un vers d’Halldor Laxness dans un roman russe qu’ils sont en train de traduire en français recherchent-ils l’original islandais pour s’assurer que la traduction russe est correcte ou, pour le moins, recherchent-ils une traduction française […]
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Qui était là avant ? Il n’est pas de piéton de Paris qui ne se soit jamais posé la question en s’arrêtant devant un immeuble qui lui rappelait quelque chose ou quelqu’un. Les façades haussmanniennes sont autant de déclics de la mémoire. La pierre de taille agit comme une madeleine. Elle conserve une trace invisible qui parfois charrie des preuves. Les avenues sont pleines de plaques commémoratives. La France est certainement la championne de France sur ce plan-là tant l’Histoire et son infini cortège d’histoires intimes guettent au coin de la rue. C’est un phénomène indéchiffrable et impalpable, quelque chose d’envoûtant pour qui […]
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C’est tout un art d’écrire une chronique mais, rassurez-vous, cela ne fait pas pour autant de tout chroniqueur un artiste. Rares sont les virtuoses y compris parmi les écrivains. Beaucoup s’y sont essayé, parfois avec succès au XXème siècle avec des fortunes diverse –et même avant : Proust qui assura brièvement une « chronique de salon » sous le pseudonyme shakespearien d’Horatio dans les pages mondaines du Figaro ; Colette, assidue aux procès, qui tint une « chronique d’allure judiciaire » dans les journaux ; Cingria dans la Nrf des années 30 ; Vialatte, qui retombait sur ses pieds à l’issue de chacune de ses chroniques dans La Montagne, […]
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Inutile de présenter Jacques Drillon aux lecteurs de la République des livres puisqu’ici même ces dernières années, il fut donné l’asile poétique à ses lumineux et ironiques Petits papiers. Le simple fait d’avoir à préciser « (1954-2021) » comme il convient après son nom serre le cœur. Mais il n’était pas parti sans laisser d’adresse. On peut ainsi le retrouver ces jours-ci dans Coda sous-titré « essai autobiographique » (347 pages, 23 euros, Gallimard), un livre enjoué, injuste, cruel, drôle, chaotique constitué de fragments qui semblent réglés par un moteur à explosions et qui fait suite à Cadence (Gallimard, 2018). C’est peu dire qu’on l’y […]
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Pas un fond de tiroir ni un rogaton, Guerre (édition de Pascal Fouché, avant-propos de François Gibault, 182 pages, 19 euros, Gallimard) de Louis-Ferdinand Céline (1894-1961), premier de ses textes inédits exhumés l’an dernier, est incontestablement une pièce d’un des puzzles les plus fascinants de l’histoire littéraire du siècle passé. Un chainon manquant dans la geste autobiographique de l’écrivain. Ferdinand, seul rescapé d’une compagnie décimée par un obus allemand pendant la première guerre mondiale, rencontre dans son errance un soldat anglais avec lequel il se rend à Ypres avant d’être soigné. Même si cela commence sur la ligne de front, […]
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Notre pays a-t-il jamais fêté l’anniversaire d’un grand poème en langue française ? Moi non plus, je ne vois pas, aucune date qui s’impose à l’esprit. Oh certes, en fouillant dans les catalogues annuels des célébrations et commémorations nationales (avant qu’une stérile querelle sémantique ne les enterre), on y trouverait probablement un hommage de la nation à la Balade des pendus ou Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage ou L’Albatros ou encore au Bateau ivre. Mais un grand poème unanimement tenu pour un classique moderne et qui ait dominé le XXème siècle dont il est issu ? On a […]
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L’exemple illustrant peut-être le mieux les vertus et les limites d’une langue est celui de la lutte opposant un écrivain à son traducteur. Du point de vue du premier, la caractéristique qu’il décèlera de prime abord dans chaque langue sera naturellement sa souplesse ou sa rudesse, sa malléabilité ou sa rigidité. Il est en effet des langues inhospitalières, ne tolérant pas la moindre infraction : c’est le cas, peut-être plus qu’aucune autre, du français. On aurait peine à le croire si l’on envisage, pour le dire ainsi, cette langue de l’extérieur : tout en elle ne semble a priori que […]
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Sachant que « le Chacal » est le surnom amplement mérité du redouté agent littéraire new yorkais Andrew Wylie, quel en est le féminin ? Il n’y en a pas. Car fut-elle redoutable, il ne serait jamais venu à l’esprit de quiconque d’évoquer la non moins légendaire barcelonaise Carmen Balcells (1930-2015) comme un chacal (la femelle s’appelle comme le mâle). Et encore moins de hyène. C’est surtout que nul n’aurait osé de crainte de s’en prendre une. La Catalane avait le caractère trempé et ne s’en laissait pas compter. C’est peu dire qu’elle était en position de force et de pouvoir dans le […]
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Dino Buzzati connaissait-il le français ? Né dans une riche famille de Vénétie, devenu dès les années 1930 journaliste au Corriere della Sera dont il sera par la suite un des envoyés spéciaux à l’étranger, il a sans doute été en contact, pour le moins, avec la langue du grand pays voisin, bien que ses biographes ne s’attardent pas sur la question. Lorsqu’on lui demanda d’où lui était venue l’idée « fantastique » de son Désert des Tartares, ce roman de l’attente, par des militaires isolés, d’un ennemi invisible ou, plus simplement, d’une raison de vivre, Buzzati répondit qu’elle lui avait été inspirée […]
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Suite à votre chronique « Du rififi chez les seiziémistes » qui me tombe sous les yeux ce jour, il me vient un certain nombre de réflexions à adresser à l’écrivain et au journaliste que vous êtes. « À l’examen, il apparait bien que des poètes humanistes s’étaient réunis autour du grand Maurice Scève pour concocter ce canular nourri de Sappho, Ovide, Catulle… » écrivez-vous. Peut-être devriez-vous, avant d’écrire une telle phrase, vous appuyer sur les textes, rien que les textes. Je vous invite à comparer la poésie de Louise Labé, d’une simplicité raffinée, à celle de Maurice Scève, obscure, hermétique et qui, malgré sa position de […]
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